Érode Hote, le voyageur[Cités Libres]

Originaire de Pandora, Érode Hote est un voyageur avide d’histoires en tout genre. Malgré son physique frêle et ses maigres aptitudes au combat, cela ne l’empêcha pas de se lancer dans une grande expédition au sein du monde connu. Son voyage ne fait que commencer : son premier objectif étant de séjourner dans l’archipel des Cités Libres et d’en écrire le récit.

Cultivé et impressionnable, il est un voyageur à l’humeur douce et feutrée, qui ne résiste jamais à l'écoute d'une nouvelle épopée ou d'un récit (ce qui a tendance à rendre son voyage extrêmement long).

Le dessein d’Érode Hote serait de rédiger une grande chronique allant du commencement du Monde jusqu’à nos jours. Bien entendu, ce projet est alimenté par la foi d’Érode Hote, fervent croyant du culte d’Astéa.

Ursus était un vieillard ventripotent aux allures bougonnes. Tout le monde le disait guide, mais lui-même se disait philosophe. Bien que je ne sois point allé dans les écoles d’Elispar, j’en connais bien plus sur la vie que n’importe lequel de ces vieux débris de mestres et de « sages » !

Il avait une étrange intonation tragique chaque fois qu’il parlait. Si il n’avait pas été guide philosophe, il aurait était metteur en scène, ou conteur, comme Érode Hote. C’était d’ailleurs lui qui payait désormais Ursus. Il l’avait engagé pour parcourir les Cités Libres en sécurité (surtout Hilas qu’il redoutait plus que tout).

Érode Hote lui, était un homme d'à peine une trentaine d'année. Son maigre physique et son large front laissaient aisément deviner qu'il était un savant avant d'être un guerrier. Il semblait impressionné et muet devant le savoir plus ou moins avéré de son guide et nouveau compagnon de voyage. Sire Ursus, je ne sais comment vous faites pour être philosophe et aussi grand aventurier pour connaître aussi bien l'archipel des Cités Libres.

Allons donc, enfant ! Tu viens de Pazen, m’as-tu dit ? Ah ! Les terres continentales sont bien différentes d’ici, mais tu y trouveras ta place. C'est comme ça que j'ai survécu. Et tu n’as pas le choix non plus de toute façon : les Cités Libres sont comme les vagues et les bonnes femmes, elles épousent ou elles engloutissent les hommes ! Et il eu un grand éclat de rire avant de s’embarquer sur le bâteau. Le voyage d'Érode commençait à peine.

Ce jour-là, Hilas était plus bruyante que d’habitude. Les murmures avaient fait places aux exclamations, tout le monde discutait ensemble, comme si la rumeur qui circulait en ce moment n’avait aucune valeur, comme si cette dernière était gratuite. À vrai dire elle l’était bel et bien. Sur les panneaux d’affichages, depuis quelques jours, on pouvait lire :

Érode était ici depuis peu de temps, aussi il ne comprenait pas bien pourquoi ce lieu s’était mis tout à coup à parler volontiers de ce qu’on lisait sur les murs, à ne plus mépriser la garde de Mispura, mais au contraire à la craindre. Alors qu’il lisait l’affiche placardée, il demanda à son guide le vieux Ursus :

« — Qu’est-ce donc au juste que la damnation mémorielle ? Autour d'eux les gens se retournèrent, la mine grave.
—  Comment donc, dit le guide, n’as-tu jamais vu de damné ? De toutes les peines qu’inflige Mispura, la damnation mémorielle est la plus terrible ! Toute l’archipel connait la damnation mémorielle. C’est un supplice ancien, qu’on dit dater d’avant les cités mêmes. Même ici, à Hilas on le redoute. Les condamnés, ou plutôt ce qu’il en reste, portent avec eux la terreur, instrument qui fut longtemps utilisé par la Capitale des Cités Libres, et dont les mémoires gardent un souvenir vif. Prend garde, si tu croises un damné, Érode Hote. »

Érode regarda son interlocuteur sans comprendre. Des voix renchérirent :

« — Cela veut dire qu’il va venir ici. Les damnés vont se laisser mourir dans les collines d’Hilas quand il ne se noient pas dans les eaux.
— Ils n’apportent que malheur !
— Le dernier damné date d’il y a si longtemps ! C’était avant la guerre me semble-t-il ?
— Moi je m’enfermerait chez moi tant qu’il ne sera pas partie. »  

Ursus qui avait parlé le premier prit notre jeune voyageur à part et lui dit à voix basse :

« Les damnés n’ont plus de noms, les damnés n’existent plus. Ils vivent encore, mais Mispura leur à tout pris de leur identité. Ce sont des fantômes vivants, et nous n’avons pas le droit de côtoyer les fantômes. 
— Mais comment savez-vous qu’il est damné ? »

Au moment où Érode posa sa question, le silence se fit petit à petit dans la rue. Un vide oppressant et morbide, comme rarement il y en avait dans Hilas. Ursus se retourna et vit la raison de ce silence. Au loin, une silhouette d’homme s’avançait. Les passants s’étaient murés dans le silence, plus personne ne disait rien. Tout le monde détournait le regard. Dans un souffle d’effroi Ursus dit « Voit par toi-même.  » Ce que vit Érode lui glaça le sang.